Article de Josette Combes, Ripess Europe

La première rencontre nationale des tiers-lieux a eu lieu à Metz, au sein du tiers-lieu Bliiida, les 17, 18 et 19 octobre 2022. Trois jours de partage, d’échange, d’inspiration, de débat qui se sont conclus au Conseil économique, social et environnemental. L’objectif était de prendre le temps de se connaître,  faire naître des projets en commun, écrire ensemble de nouvelles voies d’action pour faire face aux enjeux de notre société.

La rencontre a réuni 800 personnes. En voici la présentation synthétique (copiée collée du site )

L’espace tiers-lieu éphémère : Le “Walking Ghost Hall” de Bliiida, salle emblématique de 450 m², s’est transformé en agora des tiers-lieux. Il a accueilli les débats spontanés, facilité les rencontres, garanti la libre contribution de tou•tes et a permis de construire collectivement les priorités des prochaines années. Toutes les productions et documentations issues des ateliers, tables rondes et divers temps collectifs, y ont été rassemblées et agrégées. C’était le cœur battant de l’événement, où se sont tenus nos principaux temps collectifs !

12 Tables rondes participatives : Dans un monde en transitions : pourquoi faire tiers-lieux ? comment faire ? Des témoins, praticiens et experts ont ouvert le débat sur des sujets qui traversent le mouvement des tiers-lieux, et nous ont invité à y réagir. Ils ont mis en discussion les transformations à l’œuvre dans les tiers-lieux, ce qu’elles nous apprennent et la manière dont elles interrogent les cadres existants.

41 Ateliers : Temps de travail collectif et de partage entre pairs, ils ont été animés par les contributrices et contributeurs qui ont proposé leurs problématiques et leurs chantiers. Les nombreuses contributions et la large participation des tiers-lieux offrent un large panel de formats et de thématiques.

28 témoignages : Présentation de projets inspirants, de réalisations marquantes, de partenaires des tiers-lieux, de médias, d’idées originales…

9 Groupes de travail : Enjeux fonciers, problématiques juridiques, formation professionnelle, démocratie alimentaire, télétravail, recherche en tiers-lieux, économie circulaire… L’Association Nationale des Tiers-Lieux a fait le bilan des réalisations et a ouvert les groupes de travail à la contribution afin de redéfinir collectivement les feuilles de route pour les prochaines années.

Et de nombreuses activités conviviales : expositions, rencontre des résidents de Bliiida, comédiens itinérants, cabine de projections, yoga du rire, fête Lorraine, micro ouvert, visites de tiers-lieux autour de Metz, ateliers bidouilles, “fabrique ton matériel pédagogique”…

J’y participais et je livre ici quelques commentaires inspirés par ces trois jours en immersion.

L’organisation était remarquable grâce à tou•tes les bénévoles impliqué•es sur les différents postes et l’espace de Bliiida situé dans les anciens hangars des transports en commun de la région messine, offrant une large panoplie de lieux où pouvaient se déployer les différentes activités. Bliiida avec 3 « i » pour Inspiration, Innovation et Intelligence collective ! Grâce également à un financement conséquent pour les repas du soir abondamment fournis, entretenant bonne humeur et convivialité.

En introduction, Patrick Levi Waitz, président de France Tiers Lieux (FTL), une association largement financée par l’État, s’est félicité de la vitalité du mouvement des tiers lieux, premier mouvement populaire depuis celui des MJC selon lui. Nous avons dû rappeler que d’autres mouvements ont préparé son avènement notamment celui de l’économie solidaire, ce que Marlène Schiappa soulignera ensuite lors de la rencontre au CESE. (voir video) en évoquant l’ADN commun. De 1800 avant le Covid, ils devraient être 3500 en 2023 (voir le Rapport 2021).

Une chercheuse du GIEC a rappelé les enjeux écologiques. Les Tiers lieux se revendiquent pour la plupart comme acteurs de la transition en créant des solutions (ressourceries, matériaux innovants, agriculture biologique, sensibilisation du public, etc). Croisement de compétences, croisement de publics, la singularité de chaque TL a été soulignée, voire revendiquée, utilisant le vocable « d’impossibilité d’entrer dans les cases ». Cette question a été centrale lorsque l’éventualité de la labellisation a été débattue, de même la relation au politique et le refus d’une structuration hiérarchisée qui imposerait un modèle unique. Des exemples ont été donnés de « fabriques de territoires »qui sont des coquilles vides ayant bénéficié de l’effet d’aubaine de la labellisation.

Tous les tiers lieux sont confrontés à la question de la propriété, la foncière citoyenne a été évoquée, ainsi que les baux commerciaux d’utilité sociale. Tous les sujets de société ont fait l’objet d’ateliers les questions d’usage, de santé, d’éducation, du droit à l’expérimentation, de gouvernance horizontale, de féminisme, de nouvelles formes de travail (CAE, sécurisation des indépendants). Un atelier a été consacré à la structuration du réseau grâce aux réseaux régionaux qui sont implantés d’ores et déjà dans 12 régions et bénéficient d’une aide pour salarier un animateur régional. L’atelier a été l’occasion de débattre sur les rythmes de rencontres propices à renforcer ces antennes régionales qui sont sous l’égide de FTL. Un atelier a été animé par une équipe de chercheur.euses qui souhaitaient évaluer le sentiment d’appartenance des TL à l’éducation populaire ou à l’ESS. Pour moi cette dichotomie n’avait pas grand sens mais j’ai suivi les débats : Trois phrases clé ressortaient des débats :

“L’ESS est née des organisations de l’Education Populaire. Dans les organisations de l’ESS, l’EP est continuellement pratiquée. Les méthodes de l’EP s’y utilisent et s’y pratiquent.“
“L’ESS répond à un besoin […] de cohérence économique des associations”
“En fait, on fait de l’éduc pop même sans le savoir ».

Une visite était proposée de deux tiers lieux situés à proximité de Nancy. L’un  » la Fabrique des possibles »est né à l’initiative de la Municipalité de Vandoeuvre-les-Nancy, l’autre à Maxéville « La piscine » à l’initiative des « Petits débrouillards » une association qui promeut l’accès à la science auprès de toutes et tous et en particulier des enfants. La première, avec une mission centrale de lutte contre la fracture numérique et un fablab, rencontre une difficulté à faire venir les habitant•es de la cité où elle est implantée. La seconde développe plusieurs activités tournées vers l’accueil des publics en difficulté et est vécue comme un lieu de convivialité et d’accès au savoir. Sont mis à disposition des outils et un accompagnement pour permettre l’épanouissement de vocations d’artisans, notamment auprès des jeunes mais pas seulement.

Au total beaucoup de rencontres chaleureuses mais une interrogation de fond : comment le Mouvement pour l’économie solidaire peut-il se positionner face à cette déferlante orchestrée par les officines institutionnelles.

Pour en savoir plus

Rapport 2021 chiffres, interviews, illustrations iconographie

Vidéo CESE ici.

Plus d’information sur wiki mobilab.