Edito de Josette Combes, Ripess Europe

Entamons l’année avec des pensées positives empruntées à deux femmes, façon d’établir d’emblée une voie royale vers l’égalité des genres, sujet si problématique depuis que les femmes ont souhaité mettre fin à une suprématie imposée depuis la fin des temps et de nos jours aggravée dans certains pays par des régimes absurdes.

Ariane Mnouchkine metteuse en scène de théâtre et animatrice de la troupe le Théâtre du Soleil qu’elle a fondée en 1964, adressait en 2014 des vœux dont on peut retenir les extraits suivants : Fuir l’incrédulité ricanante, enflée de sa propre importance, fuir les triomphants prophètes de l’échec inévitable, fuir les pleureurs et vestales d’un passé avorté à jamais et barrant tout futur. (…) Une fois réussie cette délicate évasion, je nous souhaite un chantier, un chantier colossal, pharaonique, himalayesque, inouï, surhumain parce que justement totalement humain. Le chantier des chantiers. (…) Ouvrons des laboratoires, ou rejoignons ceux, innombrables déjà, où, à tant de questions et de problèmes, des femmes et des hommes trouvent des réponses, imaginent et proposent des solutions qui ne demandent qu’à être expérimentées et mises en pratique, avec audace et prudence, avec confiance et exigence. Ajoutons partout, à celles qui existent déjà, des petites zones libres. Oui, de ces petits exemples courageux qui incitent au courage créatif.(…) Et surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. (…)

Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient ».

Poursuivons avec le rêve culturel de Mieke Bal, une chercheuse et créatrice néerlandaise lors de sa leçon inaugurale de la chaire annuelle consacrée à « l’invention de l’Europe par les langues et les cultures : « Bienvenue à Babelville, Le rêve culturel d’une Europe plurielle ». (…) « Dans ce rêve européen, il n’y a pas le mot identité. Ce mot, dès qu’il est prononcé, vient fixer, rigidifier et séparer les gens. » (…) « La pluralité des pays, langues et cultures, très clairement indiquée dans l’intitulé de la chaire, n’est pas un problème pour l’idée de l’Union européenne, comme un tout, car ces pluralités, justement, la constituent. C’est ce qu’est, c’est ce que fait l’Europe. C’est par elle que l’Europe comme union est unique. »

Il me semble que ces extraits entrent en résonance avec le projet que nous menons ensemble, conjuguer nos points de vue pour construire un discours commun qui n’est pas refermé sur une doctrine qui serait l’alpha et l’oméga de l’économie solidaire mais avance par le biais des expérimentations, des mises à l’essai, des « petits exemples courageux » pour tracer une route vers un horizon dégagé des obstacles qui l’obscurcissent  et qu’on pourrait nommer pour cela même l’obscurantisme. Celui des mollahs qui pendent et fouettent à tour de bras pour tenter de juguler la formidable levée des Iraniennes et des Iraniens qui menace de les renverser. Celui des partisans de Bolsonaro au Brésil, qui saccagent et appellent au coup d’État militaire, contestant la légitimité de Lula (au moment où va se tenir le Forum social Mondial à Porto Alegre). Celui des ploutocrates qui accaparent la richesse au détriment de la majorité des habitants de notre planète. Celui de tous les despotes qui inoculent le poison de la guerre au sein de leurs prés carrés alors même que la vie sur terre devient de plus en plus fragile et appelle à la sollicitude tous les êtres vivants.

En ce début d’année, nous poursuivons nos travaux. Le RIPESS intercontinental a rénové son site ainsi que le RIPESS Europe et publie une interview de deux membres fondateurs du RIPESS intercontinental, Nancy Neamtan et Michael Lewis. Le RIPESS LAC traite du travail décent dans un webinaire et l’ASEC intervient au sein de la conférence de la société civile du Forum asiatique des peuples. En Italie on invente la ferme du futur, « une des plus grandes expériences d’agriculture collective autogérée et d’agroécologie d’ Europe ». En Grande Bretagne Synergia propose la 5ème édition de son séminaire annuel, « un recueil d’idées, de modèles et de mouvements essentiels à notre capacité collective de transition et de survie » et La Solidarity Economy Association plaide en faveur de la construction de mouvements basés sur la coopération internationale et l’échange de connaissances . En France les étudiants créent Coop4future.  Bref, en dépit de la trêve des confiseurs qui explique que le bulletin de janvier soit un peu moins nourri que d’ordinaire, nous espérons que ces quelques nouvelles glanées auprès de nos membres vous réjouiront. (N’oubliez pas de répondre à notre enquête!).

Nous souhaitons à toutes et tous et à chacun.e une année pleine d’énergie pour ce chantier que nous avons entrepris, faire basculer ce vieux monde débilitant pour donner naissance à un monde que nous savons possible puisque nous l’expérimentons ainsi que nous le conseille aimablement une artiste qui a elle-même transformé l’approche du théâtre et permis une communauté artistique toujours agissante après plus de 40 ans de miraculeuses créations.

Et n’oublions pas qu’au-delà de nos appartenances spatio-temporelles multiples et provisoires, de nos cultures et nos langages divers, nous sommes avant tout des citoyennes et des citoyens du monde.