Article de Urgenci

[Caen, le 14 mars 2024] – Ces dernières semaines, les manifestations d’agriculteurs se sont multipliées dans toute l’Europe, signalant un moment crucial aux ramifications politiques potentiellement profondes. Ces mouvements, bien que diversifiés dans leurs revendications, se rejoignent autour de quelques demandes clés, soulignant le besoin urgent d’une transition significative du système alimentaire.

Les revendications des agriculteurs et agricultrices:

Au cœur de ces manifestations se trouve un profond sentiment de négligence sociétale ressenti par les agriculteurs et agricultrices. La prolifération des mécanismes de marché néolibéraux du libre-échange a creusé le fossé entre les producteurs et les consommateurs, exacerbant les sentiments d’aliénation et de manque de reconnaissance au sein de la société. Pour l’essentiel, les petits et moyens agriculteurs et agricultrices ne parviennent pas à vivre décemment du travail de la terre, malgré leur dévouement à nourrir les gens. Ils réclament des prix stables et plus équitables qui tiennent compte de leurs coûts de production.

Les agriculteurs dénoncent les inégalités inhérentes aux structures et systèmes économiques actuels, notamment en ce qui concerne la volatilité des prix et l’absence de régulation des prix qu’ils reçoivent pour leurs produits. La domination croissante des groupes d’achat multinationaux sur les marchés mondiaux a rendu les agriculteurs et agricultrices vulnérables à l’exploitation et à la marginalisation. Les agriculteurs doivent recevoir un prix équitable qui reflète les coûts de production et doivent être soutenus dans cette démarche, plutôt que d’être en concurrence avec des produits importés. L’une des principales demandes en ce sens est de retirer l’agriculture de l’OMC et de mettre fin aux accords de libre-échange pour les produits agricoles.

Les agriculteurs et agricultrices se sentent également délaissés par les Etats et l’Union européenne dans la transition environnementale, et réclament davantage de soutien financier et d’accompagnement pour les aider à adopter des pratiques agricoles durables. Il est essentiel de protéger la biodiversité et l’environnement : sans pollinisateurs, pas de fruits et légumes. L’agroécologie et l’agroforesterie y répondent en grande partie.

Des prix décents permettant aux petits agriculteurs  et agricultrices de gagner leur vie et des normes environnementales ne sont pas incompatibles, et nous savons qu’il est possible de produire des denrées alimentaires dans le respect de l’environnement grâce à l’agroécologie et à l’agroforesterie.

Non aux nouvelles techniques de sélection et aux OGM en général ! Si les nouvelles techniques de sélection sont introduites, comme le souhaite le lobby industriel de la Commission européenne, toutes les variétés traditionnelles à pollinisation ouverte utilisées par la plupart des agriculteurs du CSA seront contaminées. Il s’agit là d’une revendication clé pour Urgenci !

Le rôle des CSA et des PLS (équivalent de AMAP en français):

Les initiatives d’agriculture soutenue par la communauté (CSA) et les partenariats locaux et solidaires mettent l’accent sur les systèmes alimentaires territoriaux durables, la solidarité communautaire, l’égalité des sexes, la résilience économique et la durabilité environnementale.

Il est essentiel de reconnaître que s’il existe des points de convergence entre les protestations des agriculteurs, il existe également des différences significatives dans les contextes et les demandes. Le modèle industriel de l’agriculture conventionnelle, qui met l’accent sur l’efficacité et la quantité, contraste fortement avec le modèle agroécologique participatif de la CSA et de la PLS, qui donne la priorité à la communauté et à la solidarité.

Mais malgré ces différences et les conséquences catastrophiques du lobby alimentaire industriel, ainsi que des systèmes alimentaires néolibéraux et des accords de libre-échange qui exacerbent l’injustice économique, les agriculteurs et agricultrices ne demandent rien de moins qu’un salaire de subsistance digne et des prix équitables pour leurs produits.

Les piliers d’URGENCI sont et restent la souveraineté alimentaire et l’économie sociale et solidaire, et aujourd’hui plus que jamais, il est impératif de défendre les droits humains. Le droit à l’alimentation doit protéger aussi bien les agriculteurs que les consommateurs.

La transition vers des systèmes alimentaires équitables et durables ne peut être ignorée. Dans un secteur marqué par la perte quotidienne de nombreuses exploitations et le vieillissement de la population agricole, les CSA et les PLS peuvent relever les défis auxquels les producteurs et productrices sont généralement confrontés seul.es grâce à leur approche collective et fournir les outils nécessaires pour naviguer dans ces transitions et construire un modèle plus durable et équitable qui peut soutenir et nourrir la population et protéger la planète de manière juste et équitable.