Le RIPESS au Forum Social Mondial Tunis 24 – 28 mars 2015. Agenda post 2015. Quel développement pour qui et pour quoi ?
Le Forum Social Mondial a eu lieu à Tunis du 24 au 28 mars. Le maître mot du Forum était la dignité. En dépit de l’attentat qui l’avait précédé de peu le 18 mars, les participants avaient à cœur d’être présents pour manifester leur solidarité aux Tunisiens et ne pas faire le jeu du terrorisme. En s’attaquant au tourisme, les agresseurs cherchent à atteindre l’économie du pays qui (on peut éventuellement le regretter) repose en grande partie sur la venue des visiteurs en Tunisie. Reconnaissons qu’ elle possède à cet égard beaucoup d’atouts. La marche d’ouverture vers le Bardo était une réponse du peuple tunisien et des militants altermondialistes aux forcenés de la terreur
Dignité donc et large place aux questions relatives à la libre circulation des êtres humains sur la Planète. Cinq thèmes sous lesquels se retrouvaient les 1500 ateliers et les 50000 personnes venues du monde entier, déclinaient les enjeux du monde actuel et de son devenir :
- la citoyenneté et le rôle des mouvements sociaux pour déjouer la puissance des forces réactionnaires et des logiques néolibérales
- « l’outre frontière » ou la question des violences engendrées par cette notion à la fois abstraite et profondément déterminante pour ceux qui se reconnaissent d’un pays ou qui en sont privés ;
- la Planète et l’urgence climatique, la justice environnementale et le « bien vivre » ;
- la place de la justice sociale, éducation, santé, habitat, souveraineté alimentaire, droits économiques et sociaux, autant de dimensions menacées par la mise à mal des services publiques et des Etats par les logiques de marchandisation des transnationales
- l’Egalité la Dignité et les Droits, bafoués par les politiques de discrimination religieuse, nationaliste, sexuelle et par les régimes d’exploitation qui sévissent à peu près partout
- la place de l’Economie et des Alternatives, regroupant les formules de résistance créatives et génératrices de solutions pour reconstruire des sociétés plus équilibrées.
Ces thèmes regroupaient les ateliers dans des espaces identifiés Sans surprise, le RIPESS s’est retrouvé dans l’espace des alternatives. Le RIPESS Europe a animé un atelier dédié aux convergences utiles et nécessaires entre les acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire et les mouvements sociaux. Le partenaire de l’atelier était la Centrale Nationale des Employés, un syndicat belge qui sensibilise ses membres à l’importance des actions de résistance économique et écologique. L’atelier était essentiellement interactif et les participants faisaient part de leur propre forme d’action. A noter qu’étaient présentes deux membres de Solidarity4all, qui avaient reçu le RIPESS EU en septembre 2014 à Athènes et organisé une série de visites auprès de coopératives et de la clinique autogéréeHellenico. Une grande manifestation est en préparation à Athènes en juin pour stimuler la résistance aux injonctions délétères de la Commission européenne.
Le RIPESS International a animé un atelier puis une assemblée de convergence sur le thème de l’économie sociale et solidaire et les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’agenda post 2015. EN 2000, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) avait dressé un agenda intitulé Objectifs du Millénaire pour le Développement, un programme de lutte contre la pauvreté pour l’éducation pour tous et l’amélioration des conditions devie dans les Pays en voie de Développement (PED). Au terme des 15 années, les progrès sont faibles, voire dans certaines régions les inégalités se sont creusées. Pour élaborer le programme post 2015, Le PNUD a lancé une consultation auprès d’organismes représentant entre autres la société civile. Le RIPESS international a émis des préconisations pour inscrire l’économie sociale et solidaire dans l’Agenda comme la forme la mieux adaptée à la mise en œuvre de la justice sociale, de la vigilance écologique et de la démocratie économique. Pour amplifier la mobilisation le RIPESS a proposé cette assemblée de convergence dont les co-organisateurs ATTAC France, Beyond 2015,EndaTiers-Monde, IBON International, Our WorldisNot for Sale,Plataforma2015 ymás,sont tous comme le RIPESS des réseaux plus ou moins formalisés d’intervention dans le domaine du développement et / ou du plaidoyer. Le dialogue entre les participants a mis l’accent sur la vigilanceà déployer pour éviter que les ODD ne restent pas lettre morte ou soient détournés par les agences internationales et notamment par le biais des financements vers les dérives qui conduisent à technocratiser les procédés et les processus, à rechercher l’efficacité du chiffre sans prendre en compte les réalitésdes terrains et sans consulter les populations concernées. Ainsi la 3ème Conférence internationale sur le financement du développement, qui aura lieu à Addis-Abeba, en Ethiopie, pourrait résulter dans une main mise des grands groupes sur les financements par le biais des Partenariats publics privés. Les financements ne doivent pas être détournés pour produire toujours plus de marchandisation, des terres comme des humains, au détriment des cultures locales, de la souveraineté alimentaire et du libre arbitredes peuples.
Par ailleurs, la recherche d’une bonne qualité de vie universelle se heurte à la mise en œuvre des traités transnationaux actuellement en négociation. Ces traités (dont TAFTA, Transatlantique Free Trade Agreement, entre les Etats Unis et l’Europe ) sont conçus pour faire passer les intérêts privés des transnationales au-dessus des lois des Etats et de la souveraineté des peuples. Il s’agit d’une inféodation absolue du bien commun au profit des transnationales puisque toute entrave à la libre circulation des marchandises peut être sanctionnée par le biais de tribunaux privés dépourvus de légitimité démocratique. Autrement dit, ce sont les 1% détenteurs de la richesse qui seront en mesure d’édicter les règles de vie de l’ensemble des humains, audétriment des acquis sociaux.
Enfin les grands enjeux climatiques qui vont être abordés au cours de la COP 21 prévue en décembre à Paris sont d’une importance majeure dans l’agenda. On sait que ce sont les PED les premières victimes du réchauffement climatique généré par les pays les plus riches qui ne respectent pas les recommandations des conférences sur le climat précédentes et risquent une fois de plus de faire passer leurs intérêts économiques avant toute chose.
L’ensemble des participants a considéré qu’il était nécessaire de mettre en commun leurs capacités de vigilance pour placer sous surveillance les différents processus et par ailleurs de diffuser et transmettre au niveau des terrains de réalisation toutes les informations nécessaires à soutenirla résistance et la mobilisation des populations.
L’assemblée a donc conclu sur quatre points cruciaux :
- La réaffirmation que les droits humains doivent être le cadre de base des ODD applicable à l’ensemble des humains et pas seulement pour ceux du Sud. Les inégalités et la pauvreté sévissent au Nord comme au Sud et il faut y remédier de façon globale.
- Il y a une contradiction évidente entre la poursuite des objectifs de bien-être soutenable pour tous et les traités de libre échange en cours qui détruisent les fondements de leur mise en œuvre et privent les peuples de leur souveraineté à décider de leur propre forme de développement, à l’inventer, voire à le contester dans les formes imposées par la domination occidentale.
- Il faut un programme politique fort, non pas technocratique mais dont la volonté et l’investissement réels sont clairs et légalement établis.
- Les partenaires présents se sont engagés à définir un agenda commun de mobilisation et d’alertes et à travailler aux liaisons avec d’autres mobilisations portées par ceux qui ont participé au Forum Social Mondial de Tunis 2015.
Par Josette COMBES, MES