Les XVIèmes rencontres du Réseau Inter Universitaire de l’Economie Sociale et Solidaire (RIUESS) se sont tenues à l’Université Paul Valéry de Montpellier. Cette année le thème était Les « communs » et l’économie sociale et solidaire. Quelles identités et quelles dynamiques communes ?
Il n’est pas possible de rendre compte ici de la richesse et de la diversité des échanges autour des concepts qui se sont assez récemment (ré)introduits dans le discours aussi bien des économistes et plus largement des intellectuels que des gens de terrain qui portent des initiatives qu’ils considèrent comme une réhabilitation des communs.
Fabienne Orsi en ouverture a introduit le propos par une présentation très pédagogique de la notion telle qu’elle a été développée par l’école de Bloomington et par l’équipe d’Elenor Ostrom . Ostrom a été abondamment citée, naturellement puisque son travail sur les communs a remis à l’ordre du jour une notion qui était surtout utilisée pour évoquer avec Polanyi l’épisode des « enclosures », la privatisation des communs comme acte fondateur de la société de marché. En privatisant les communaux, le XIXè siècle industriel a jeté dans l’exode rural les petits paysans qui iront s’employer à bas prix dans les usines. Ce phénomène a initialisé le désencastrement de l’économie de la société en instituant comme marchandises fictives le travail, la terre et la monnaie.
Citons, de façon liminaire la définition des communs d’Ostrom : « des ensembles de ressources collectivement gouvernées, au moyen d’une structure de gouvernance assurant une distribution des droits entre les partenaires participant au commun(commoneurs) et visant à l’exploitation ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction sur le long terme » soit encore une ressource, une communauté et un ensemble de droits et d’obligations qui sont définis par le collectif selon des modalités de gouvernance spécifiques. La société de communs c’est d’abord la promesse de sortir de la crise de civilisation provoquée par le néolibéralisme et son scientiste contemporain, utilitariste et niant l’incidence du transcendental dans les comportements humains.
Une distinction majeure est soulignée entre « les communs » et « le commun », les communs considérés comme ressources et on insiste sur les processus de gouvernance qui permettent d’échapper à l’opposition entre propriété publique et propriété privée. Le commun relève davantage d’une appréciation sur ce qui fait communauté pour l’espèce (avec la difficulté qu’on éprouve en France avec ce terme). Il s’agit là de reprendre la main sur la gestion de biens naturels impartageables mais qui se trouvent gravement impactés par les activités de l’hyper production. Le climat, les océans, mais également la culture, etc. Il y a donc un double mouvement d’identification de ce qu’on peut gérer en commun pour le bien commun, biens communs qui sont cannibalisés par le Marché (Elisabetta Buccolo) et ce qui fait du commun c’est à dire ce qui construit de la relation et de la « philia ».
Comment se construit la confiance, quel est le rôle de la proximité géographique, cognitive , de projet, quelle homogénéité de perception sur les « attentes du futur » peut-on se passer de leader charismatique, comment prendre l’habitude d’évoluer dans un contexte d’incertitude, établir la légitimité des règles communes, développer une attitude positive aux apprentissages, reverser et actualiser des pratiques coutumières. Dans les ateliers, on pouvait examiner ces questions et beaucoup d’autres (une participante a interrogé le « mythe du localisme » ), les focales étaient variées On se reportera aux contributions (49) regroupées au sein de 18 ateliers en quatre sessions parallèles. Ces contenus sont disponibles sur le site de socioeco.org.
Le RIUESS a tenu au cours de la rencontre son assemblée générale (la première après la constitutive, en nombre réduit de novembre). Le réseau rassemble plus de 50 chercheurs, adhérents à titre individuel, en attendant l’adhésion de personnes morales. Il a élu son Comité d’animation et de gestion ( 7 hommes, 7 femmes). Il a annoncé la tenue des XVIIèmes rencontres à Marrakech en partenariat entre l’Université de Mulhouse et du Maroc. Il a décidé de renouveler son adhésion au RIPESS Europe.
Pour conclure, deux éminents universitaires ont donné une conférence en plénière. Benjamin Coriat (économiste à Université Paris 1) Communs et ESS: tensions et complémentarités et le jour suivant Christian LAVAL (sociologue, Université Paris Ouest Nanterre) Principe du commun et institution des communs.
On ne peut rendre compte en quelques lignes de leurs propos. Soulignons qu’aux yeux de Benjamin Coriat, l’émergence de la culture des communs et notamment des communs immatériels est un nécessaire aiguillon pour stimuler et ranimer l’ESS, alors qu’à nos yeux c’est l’ESS qui a été précurseure dans la mise à jour de cette notion.
Christian Laval a débuté sa conférence en citant Foucault « Les concepts viennent des luttes et sont destinés à y retourner » et pour Laval il est « artificiel de séparer la théorie de la pratique ».
Il a insisté sur la primauté de l’usage sur la propriété (abordé par plusieurs intervenants auparavant), la cité comme activité commune, principe politique de démocratie radicale. Le mouvement des communs renouvellerait la grammaire du socialisme et pourrait servir d’outil d’analyse et d’évaluation à l’ESS, de pilote pour opposer la forme commun à la forme entreprise.
Un ouvrage devrait rassembler l’ensemble des textes.