Atelier FSM 2013/ organisé conjointement par la Via Campesina et URGENCI, avec le soutien du RIPESS.


INTERVENANT-E-S : Yvon Poirier, RIPESS, Comité International du Réseau Canadien de Développement Économique Communautaire (RCDÉC), Québec ; Josie Riffaud, Via Campesina, Confédération Paysanne, France ; Judith Hitchman, URGENCI, France-Irlande ; N’Diakaté Fall, Via Campesina, Conseil National de Concertation et de Coopération des Curaux (CNCR), Sénégal ; Jean-Michel Dupont, MIRAMAP, France.

JR : La Via Campesina milite, entre autres choses, pour de nouvelles façons de se nourrir. Mais les paysan-ne-s ne représentent, par exemple en France que 4% de la population active ; ils et elles ont donc besoin de soutien pour faire pression et obtenir que la souveraineté alimentaire s’applique maintenant ! Deux définitions : 1/ c’est un droit international revendiqué contre l’OMC, qui vise à protéger les agricultures paysannes locales de la concurrence déloyale que représentent les grandes industries agro-alimentaires. 2/ c’est aussi une vision d’une agriculture de proximité qui s’insère dans un tissu de relations locales et solidaires, en faveur d’autres échanges avec la terre et les vivants.

JH : URGENCI est le réseau international des partenariats locaux et solidaires entre producteurs et consommateurs qui fédère des initiatives d’agriculture soutenue par la communauté partout dans le monde, où des consom’acteurs s’associent à des producteurs locaux, pour partager ensemble les risques et les bienfaits d’une agriculture paysanne et soutenir l’activité agricole par une rémunération juste et payée à l’avance aux producteurs. Les activités d’URGENCI se situent donc au carrefour des thématiques de la souveraineté alimentaire et de l’économie sociale et solidaire. Pour cela, le réseau tisse de nombreuses alliances avec le monde paysan et des organisations qui promeuvent d’autres formes de lien (monnaie complémentaire, énergie, fiduciaires foncières).

NF : Le Conseil National de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) regroupe des organisations sénégalaises qui oeuvrent pour la protection de l’agriculture familiale dans un pays où 70% des actifs sont des paysan-ne-s. C’est le plus gros employeur ! Depuis 2000, le CNCR a mis en place des concertations pour favoriser le développement des circuits-courts et favoriser ainsi les producteurs et les consommateurs, en éliminant les intermédiaires qui constituent l’obstacle principal à l’établissement d’un prix juste – depuis 2008 et la crise alimentaire, le processus s’est accéléré. Par exemple, pour la filière pain, une table ronde a été organisée avec des boulangers, des paysans pour qu’ils transforment directement la farine de mil et des consommateurs pour fixer ensemble un prix acceptable par eux. Les urbains ont en effet de plus en plus de mal à trouver des produits locaux ; presque tout est importé, car ces produits venus d’ailleurs sont subventionnés et donc moins chers. La distribution des produits locaux est donc un enjeu de taille, relevé par la mise en place de nombreuses boutiques de quartier, tenues par des associations de femmes.

J-MD : Le MIRAMAP est le mouvement inter-régional des Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne en France. Il y a aujourd’hui environ 1600 AMAPs en France, soient 8000 familles et 2000 producteurs. Les AMAPs, qui existent depuis 2001, ont trois objectifs : recréer du lien social entre ruraux et urbains, producteurs et consom’acteurs ; promouvoir une agriculture familiale et durable ; faire de l’éducation populaire (par exemple, pour fixer le prix du panier, producteur et amapien-ne-s discutent ouvertement des besoins du paysan, de ce qu’est un revenu juste, des investissements qu’il doit faire, etc.) Solidarité, transparence, proximité et respect de la nature sont au cœur du projet amapien. En se développant, les AMAPs ont rencontré deux problèmes : celui de l’accès au foncier (Terre de Liens) et celui de l’installation de nouveaux paysans et notamment des jeunes (coût de l’installation, formation, etc.) : création d’une couveuse d’activités agricoles en Ile-de-France : les Champs des possibles (http://www.amap-idf.org/champs-possibles-couveuse-activites-agricoles_28.php). Questions récurrentes : certification, AMAP pour tou-te-s et paniers solidaires.

YP : nous parle d’une coopérative de consommateurs au Japon qui a été mise en place dès 1965, par quelques pionnières dont l’objectif alors était d’améliorer la qualité de vie, suite au scandale de Minamata, en vue de s’approvisionner en produits frais et non contaminés. Aujourd’hui cette coopérative, le Seikatsu Club, regroupe 350.000 personnes très impliquées qui sont prêtes à payer entre 1000 et 2000 USD/an pour la faire fonctionner. Son modèle est très intéressant (lire en détail la présentation : www.socioeco.org/bdf/fr/corpus_document/fiche-document-1664.html), car il repose sur une vision de changement social et politique plus global. Sur les 21 coopératives de consommation qui existent au Japon, 19 travaillent avec les grandes surfaces et seulement 2 pratiquent la vente directe (dont une a dû s’arrêter) : le Seikatsu Club seul continue à favoriser les circuits-courts: au Japon, sur les 240 000 tonnes de produits bio consommés chaque année, 200 000 sont importées.

Lors de la discussion avec la salle, différents thèmes ont été abordés:

-L’éthique du partage

– Le droit d’usage

– Les semences paysannes et la lutte contre les OGMs

– Comment éviter les dérives et la récupération des initiatives de l’ESS ? (l’exemple est pris du réseau Biocoop ; lire le très bon La bio. Entre business et projet de société, par Philippe Baqué (dir.) Coll. Contre-feux, Agone, 2012)

– Le développement de la restauration collective en circuits-courts (au Brésil 10% de la nourriture servie dans les cantines scolaires doit provenir de l’ESS)

– La meilleure viabilité des petites exploitations diversifiées

mais c’est la question des 500 000 chômeurs de Tunisie qui a constitué le fil rouge des débats: quel avenir pour eux, sinon l’économie sociale et solidaire? On pourrait dire qu’elle existe déjà puisque l’économie traditionnelle repose sur les relations de proximité et les produits du terroir. En Tunisie, 75% des exploitations sont des jardins familiaux de moins de 2 hectares.

Quels sont les mécanismes et les modes d’organisation concrets qui permettraient de mieux la développer (coopératives, etc), et de mettre en place des activités productives qui puissent donner du travail aux jeunes. Le rôle des autorités locales dans le déploiement d’une ESS à l’image de chaque territoire est crucial pour répondre aux besoins exprimés par ses habitant-e-s, pour y relocaliser les emplois et assurer la souveraineté alimentaire localement.