Par Josette Combes

L’écoféminisme est un mouvement qui trouve ses origines aux Etats Unis dans le foisonnement militant des années 70 avec l’une des plus spectaculaires actions écoféministes – la Women’s Pentagon Action – qui a eu lieu le 17 novembre 1980, à Arlington (Virginie). Cette mobilisation faisait suite à la catastrophe nucléaire de Three Mile Island, le 28 mars 1979 en Pennsylvanie. Les femmes s’opposent à la nucléarisation du monde mais vont être de tous les combats contre ce qu’elles considèrent comme attentatoire à la nature. Ce mouvement philosophique et écologique considère que le capitalisme patriarcal a fondé son pouvoir sur l’aliénation des femmes, des peuples colonisés et de la nature.

En Europe, le mouvement est repris essentiellement en Espagne où l’écoféminisme est associé à l’économie solidaire considérée comme la seule voie permettant le respect des équilibres à la fois écologiques et sociaux dont l’égalité femmes hommes. Il ne s’agit pas de s’introduire à égalité à tous les niveaux de la société mais de changer le regard sur les « vertus féminines » et de leur redonner toute leur légitimité, mais surtout transformer les jeux de rôle et l’approche économique pour reconsidérer ce qui est utile à la préservation de la nature dont celle des êtres humains qui en font partie.

Au cours du FSMET, un atelier a été consacré à ce mouvement à l’invitation de la Compagnie Nanaqui, une compagnie théâtrale basée dans la région toulousaine qui organisait en mars 2020 un festival « Les Sauvageonnes » annulé en raison du Covid 19. L’atelier a été reconduit en septembre, cette fois en présentiel dans un lieu dédié aux cultures alternatives. Le programme très riche faisait se côtoyer conférences (dont celle du RIPESS Europe, Economie Sociale et Solidaire et écoféminisme) et prestations artistiques de toutes sortes. Le festival s’est déroulé sur trois jours et a drainé plus de 1500 personnes ce qui reste un exploit en période de Covid. On peut retrouver le descriptif de cette manifestation ici . Il était réjouissant de constater que les participants n’étaient pas exclusivement des femmes et que la moyenne d’âge était plutôt la trentaine, ce qui augure que la relève est en marche.

En France, Françoise d’Eaubonne (1920 – 2005) a été la première à sonner l’alarme sur les dégâts perpétrés par « l‘illimitisme » de l’économie capitaliste. Sa pensée est restée minoritaire au sein des mouvements féministes dits « matérialistes » qui considéraient son approche comme essentialiste, c’est à dire fondée sur l’affirmation d’une essence féminine opposée à l’essence masculine, la première justifiant l’inféodation imposée par la seconde. Actuellement, en raison de l’urgence environnementale, la pensée écoféministe regagne du terrain grâce aux travaux de chercheures comme Emilie Hache ou Catherine Larrère. Les mouvements écologistes et féministes convergent considérant qu’ils ont en commun l’urgence d’abattre le capitalisme patriarcal dont  le système de domination met en danger la survie même des espèces dont l’espèce humaine. Revenir aux notions du soin apporté à conserver la vie, ce qui a toujours été le domaine dit féminin, voilà l’urgence. C’est un changement de paradigme complet qui n’entreprend pas une prise de pouvoir par le haut mais la construction d’une résilience en réseau comme le démontrent les initiatives menées par les groupes de femmes pour faire pièce aux destructions orchestrées par le système capitaliste, patriarcal, pyramidal.

« Les valeurs du féminin si longtemps bafouées, jusque là attribuées au sexe inférieur demeurent la dernière chance de survivance de l’homme lui-même. Il faudrait faire très vite, encore plus que de révolution nous avons besoin de mutation ». Il s’agit de faire advenir « la gestion égalitaire d’un monde à renaître ». 

C’est un programme qu’au RIPESS nous partageons pleinement.

En savoir plus : J. Combes, L’écoféminisme, une nouvelle approche de l’émancipation des femmes, RIUESS 2018 – XVIIIe Rencontres du réseau Inter-Universitaire de l’Economie Sociale et Solidaire – Rennes 2019