C’est le logement coopératif et collectif qui m’a mené à l’économie sociale et solidaire (ESS), à l’économie des Communs, et à la Transition écologique et sociale. A l’époque étudiant en socio-économie, j’ai vécu le début de ma vie d’adulte à La Ciguë, une coopérative d’habitation pour d’étudiant·es qui propose un logement abordable à quelques 700 étudiant·es répartis sur une dizaine d’immeubles à Genève.

De la découverte…

C’est là où j’ai découvert la vie en collectif, les communautés interconnectées et la décentralisation, puisque chaque lieu s’auto-organise, en dialogue avec les autres. L’organisation de la vie et des prises de décisions dans ce type de logement se fait de manière fédéraliste, « à la suisse » : il y a des organisations à l’échelle de la colocation, de l’immeuble, et de la coopérative. Et tous ces échelons sont des organisations se voulant gérées par le collectif et pour le collectif.

aux suites de l’aventure

Par la suite, avec des ami·es qui ont été mes colocataires à La Ciguë, nous avons décidé de prolonger l’aventure en créant dans un premier temps une association nous permettant de continuer à vivre ensemble dans des logements précaires, en organisant des événements avec le reste du quartier : c’est l’aventure d’ Ithaque, qui dure d’ailleurs toujours !

Dans un second temps, nous avons pu créer une coopérative d’habitation Archipel, avec l’aide du Canton. A Genève, la loi permet d’apporter seulement 5% (au lieu de 20%) des fonds propres du coût total du projet de construction lorsqu’il est porté par une coopérative d’habitation, avec en outre un possible prêt sans taux d’intérêt par le Canton pour ces fonds propres. C’est un levier énorme qui permet d’accéder à la propriété partagée avec des faibles revenus ! Il faut « simplement » du temps, de l’énergie et de l’imagination pour porter le projet, accompagné·es par des architectes.

Pourquoi du logement coopératif et collectif ?

Penser depuis le début un projet architectural d’un immeuble de 7 étages – avec une véritable expérience de la vie en collectif et beaucoup d’intelligence collective – a été l’opportunité de mettre en pratique des envies et des rêves : matériaux biosourcés dont une structure bois, réemploi de matériaux comme le béton recyclé, etc.

En attendant la construction de l’immeuble d’Archipel, qui sera habitable en 2024/25, une bonne partie d’entre nous vit à la Codha, la plus importante coopérative d’habitation participative genevoise, avec 17 immeubles habités ou en construction. Nous sommes environ 250 personnes à vivre dans mon immeuble, dont de nombreux enfants. Je vis avec mes 7 colocataires dans ce qu’on appelle un « cluster ». Non, cela ne fait pas référence au c****… il s’agit d’une type de typologie architectural qui anticipe dans la conception la vie en collectif. Ainsi les familles ou les personnes vivent dans une « suite » – soit une ou plusieurs chambres bénéficiant de toilettes, d’un évier. Et un certain nombre de suites sont reliées à des espaces communs, soit une grande cuisine, un salon et un espace « bureau ».

Ainsi, on a collectivement plus d’espace à disposition, et on en utilise globalement moins si cela est rapporté à la personne. Cela fait plus que sens au regard de l’impact du logement (énergie grise, chauffage, etc) sur la crise climatique. Cerise sur le gâteau : un logement en coopérative à Genève est inférieur de 17% à 48% au marché traditionnel, indépendamment la taille et le régime locatif (OCSTAT). On se demande bien où passe cette différence… !

A l’échelle de mon immeuble, nous partageons des voitures, une buanderie, une bibliothèque d’objet, un atelier bricolage, une salle commune, des jardins, notre toiture…

A l’échelle du quartier, l’immeuble propose toute une série d’arcades d’activités d’économie sociale et solidaire qui animent la vie sociale : le QG de APRÈS (réseau de l’ESS) et son tiers-lieu L’ESPACE, une épicerie participative, les bureaux de la monnaie locale Monnaie Léman, un bar avec des dizaines de bières artisanales locales et une salle de concert, un restaurant de saison et végétarien, etc.

En conclusion, de mon expérience d’analyse socio-économique et d’habitant, le logement coopératif permet d’allier « bien vivre » et « écologie » : avec « moins » on a « plus », ensemble. Elle est pas belle la vie ? Je me sens en tout cas vraiment chanceux de vivre cela, et j’espère que ces quelques lignes donneront envie à d’autres personnes de se lancer dans l’aventure, ou de partager leurs propre expériences de logement coopérative et collectif, ailleurs en Europe.

Antonin Calderon

Coordination d’APRÈS, réseau genevois de l’ESS (apres-ge.ch)

Co-président de la monnaie locale Monnaie Léman (monnaie-leman.org)

Co-fondateur de l’épicerie participative Le Nid (lenid.ch)

Références :

 

Notes photos:
  • Immeuble de la Codha. Crédits photo: Codha
  • Festival de quartier « Plein air à Voltaire » organisé à la Ciguë. Crédits photo: Jérémie Lasnier