Edito de Josette Combes, RIPESS Europe
“Solidarité avec les femmes du monde entier”
Ce slogan a tourné partout dans le monde où les femmes s’organisent pour faire entendre leur voix « Nous sommes femmes, nous sommes fières et résistantes et en colère » pouvait-on entendre le 8 mars dans les manifestations à Toulouse et ailleurs en France. En Europe et dans le monde, la journée internationale des Droits des femmes revient à la même date sans qu’on mesure réellement si cela fait reculer les injustices qui perdurent : inégalités salariales, maltraitance au travail et dans la sphère familiale, espace public confisqué, double charge production / reproduction, discriminations de toutes sortes auxquelles s’ajoutent celles liées à la couleur de peau, à la disgrâce physique, au handicap.
Un tour du monde du sort des femmes fait apparaître de tels écarts qu’on y voyage de Charybde en Scylla et qu’on oserait penser que les femmes occidentales échappent au pire, après, il est vrai de longues luttes et qui se poursuivent. C’est d’ailleurs ce que la mauvaise foi masculine rétorque aux femmes qui protestent : acquis le droit de vote (mais la représentation dans les assemblées est toujours inégale), le droit à l’avortement (menacé aux États Unis et dans certains pays de l’Europe de l’Est), le droit à l’indépendance financière (mais les salaires féminins restent inférieurs selon les pays de 15 à 25%), la parité parentale (l’homme n’est plus le chef de famille, même si dans les faits on s’adresse à lui en priorité pour les « affaires sérieuses »), le potentiel partage des tâches (mais les femmes continuent d’en assurer la majorité).
Certes nous ne sommes pas voilées (solidarité avec nos sœurs afghanes), mais toujours sous l’impératif du paraître avec un budget afférent. Certes nous circulons librement (solidarité avec nos sœurs d’Arabie Saoudite et d’Iran), mais la rue est un lieu stressant à partir d’une certaine heure. Nous avons accès aux soins en cas de besoin (mais nos « bobos » ne sont pas toujours pris au sérieux par la gente médicale). La parole des femmes continue de ne pas être crue quand elles dénoncent les viols et les violences dont elles sont victimes, quand encore elles peuvent le faire sans risquer le bannissement.
Les mouvements féministes occidentaux ont permis des avancées ; ils sont confrontés à la contestation des féministes décoloniales qui refusent – et c’est légitime – d’être « assimilées » dans un pseudo universalisme déniant les différences culturelles dans l’appréciation de ce que peuvent et doivent revendiquer les femmes non occidentales, notamment leur relation à la maternité et la perception du corps en général.
Lutter pour le droit des femmes ne suffit pas si on n’y ajoute pas le droit des communautés LGBTQI+. Or les dissensions affaiblissent la cohésion pourtant hautement nécessaire si on veut engager le changement de paradigme à la clé du basculement vers une société égalitaire et notamment ne pas dissocier la condition des femmes du reste des éléments générateurs des iniquités, le patriarcat et une économie ultra libérale qui détruit et artificialise la vie sur la planète et repose sur la triple exploitation des femmes, des peuples colonisés et des ressources de la nature.
Les femmes sont les gardiennes de la vie mais elles ne peuvent espérer transformer la société seules. Elles doivent pouvoir associer les hommes de bonne volonté qui se détournent de la masculinité éprouvante et toxique, fondée sur la compétition et l’affrontement. Il faut affirmer la bienveillance et la douceur comme des vertus à partager entre les deux sexes, le soin de soi et des autres, le respect de la vie, comme fondements de l’équilibre psychique et sociétal et allier nos forces et nos désirs pour générer des sociétés de paix où les seules armes permises seront la palabre et l’art de l’éloquence et surtout les concours de savoir-faire ensemble.
Cette civilisation va à sa perte si elle n’interrompt pas la gabegie de ressources et les massacres qui sont perpétrés et perpétués pour entretenir une machine économique erratique ne bénéficiant qu’à un pourcentage ridicule des habitants du monde. Les femmes sont la moitié de l’humanité et leur activisme est plus que jamais nécessaire, non seulement pour rétablir leurs droits mais pour engager un changement culturel fondamental dans l’imaginaire de l’espèce. « Nous sommes femmes, nous sommes fières et résistantes et en colère».