Article de Réseau REAS des réseaux de l’économie alternative et solidaire

Introduction
En vue des élections européennes du 9 juin, REAS Red de Redes[1] partage les propositions du mouvement de l’économie sociale et solidaire. L’économie sociale et solidaire (ESS) est une vision et une pratique qui reconnaît et fait partie de l’économie sociale et place les processus de maintien de la vie au centre de l’activité socio-économique. Elle place ainsi les personnes, les communautés et l’environnement au-dessus du capital et de son accumulation. Ce modèle promeut et développe des alternatives productives et reproductives tout au long du cycle économique (financement, production, commercialisation et consommation) sur la base de valeurs telles que la coopération, l’équité, la durabilité environnementale, la réciprocité et l’autogestion. Tout cela, dans une perspective de transformation, vise à construire des économies plus communautaires, démocratiques, équitables, inclusives et durables. Tout cela, dans une perspective de transformation qui cherche à construire des économies plus communautaires, démocratiques, équitables, inclusives et durables. En bref, des économies féministes, écologiques et solidaires, comme le stipule notre Charte de principes.

A partir de ces postulats, nous pensons qu’il est nécessaire d’avancer dans la promotion d’une transition éco-sociale qui nous permette de relever les défis importants du moment tels que : la crise du climat et des soins, la raréfaction des ressources et la perte de biodiversité, l’augmentation des inégalités, la précarisation de secteurs croissants de la population, la violation des droits humains fondamentaux ou l’impossibilité d’accéder à un logement décent.

En ce sens, nous appelons les responsables politiques de l’UE à créer les conditions systémiques permettant de généraliser des modes de vie diversifiés et durables en orientant le système économique vers la prise en charge des personnes et de la planète.

Par ailleurs, dans le contexte actuel, nous appelons à une économie de la paix par l’investissement dans la prévention des conflits et le désinvestissement dans la militarisation de l’Europe[2].

Contexte actuel : L’ESS au cœur des agendas internationaux
En adoptant la résolution “Promouvoir l’économie sociale et solidaire pour le développement durable” le 18 avril 2023, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a réaffirmé le rôle essentiel de l’économie sociale et solidaire, consolidant ainsi la “Résolution sur le travail décent et l’économie sociale et solidaire” adoptée par l’Organisation internationale du travail (OIT). Par ailleurs, dans le cadre du plan d’action pour l’économie sociale présenté par la Commission européenne en 2021, le Conseil de l’Union européenne a adopté en 2023 une recommandation sur l’établissement de conditions-cadres pour l’économie sociale, fournissant ainsi un point de référence pour le développement d’un écosystème international en faveur de l’économie sociale et solidaire.

En Espagne, il convient de souligner la reconnaissance de l’économie sociale avec la création d’un ministère du travail et de l’économie sociale (2020), le plan stratégique pour la récupération et la transition économique (PERTE) de l’attention et de l’économie sociale (2022), un secrétaire d’État dédié exclusivement à ce modèle d’entreprise (2023) et l’effort pour avoir une nouvelle loi globale sur l’économie sociale (2023-2024).

Chez REAS Red de Redes, nous saluons les mesures proposées par le CEPES, [3]une organisation dont nous sommes membres, et qui sont à leur tour alignées sur celles présentées par Social Economy Europe (SEE). En particulier, nous soulignons les propositions de renouvellement de l’intergroupe Économie sociale du Parlement européen et la nomination d’un commissaire européen responsable de l’économie sociale.

Dans ce cadre, nous soutenons les mesures proposées par le RIPESS[4], le réseau européen dont nous sommes partenaires, dans sa contribution à la recommandation du Conseil de l’UE de 2023 sur le développement des conditions-cadres pour l’Économie Sociale, dans le but de renforcer le rôle de l’Économie Solidaire dans les politiques publiques européennes:

  • Les États membres devraient développer des cadres stratégiques et réglementaires ambitieux qui prennent en compte la diversité des initiatives de l’Économie Sociale et Solidaire.
  • Les États membres devraient développer des politiques publiques pour les acteurs de l’ESS basées sur des financements durables, opérationnels et partenariaux qui vont au-delà d’une approche axée sur le profit et l’accès au marché.

En ce sens, et nous reconnaissant comme faisant partie de l’Économie Sociale, nous soulignons le potentiel de l’Économie Solidaire en termes de transition éco-sociale et de transformation sociale qui, selon nous, devrait être intégré dans toutes les politiques et tous les plans européens.

Nos propositions
Les mesures développées ci-dessous, structurées autour de 8 lignes d’action thématiques, nous montrent la voie vers ce changement que nous appelons de nos vœux à travers des politiques d’inclusion et de cohésion sociale, qui favorisent la durabilité de la vie et sont au service des personnes et du bien commun.

  1. Pour des marchés publics responsables
  • Promouvoir l’inclusion de critères sociaux et environnementaux dans les procédures de marchés publics afin de promouvoir la logique de coopération et de collaboration vertueuse pour favoriser les impacts positifs sur les territoires au détriment de la logique de rentabilité et de mise aux enchères des prix.
  • Veiller à la mise en œuvre effective des mesures de diligence raisonnable, qui sont essentielles pour prendre en compte les droits de l’homme et les impacts environnementaux.
  1. Pour une transition énergétique et une économie circulaire
  • Assurer une transition énergétique juste qui bénéficie à tous les citoyens par une approche pro-commons de l’énergie pour tous.[5]
  • Dynamiser l’économie locale par la promotion de communautés énergétiques qui permettront à tous les citoyens de participer aux décisions concernant leur production, de contrôler les prix qu’ils paient et de les protéger des crises énergétiques.
  • Promouvoir l’économie circulaire, en reconnaissant le rôle des entreprises de l’ESS dans l’impulsion de la circularité textile[6], en établissant un cadre de gouvernance solide et inclusif au sein des régimes de responsabilité élargie des producteurs et une couverture des coûts pour les acteurs de la réutilisation sociale.
  1. Pour une politique commerciale équitable et verte [7]
  • Développer un modèle équitable d’accords commerciaux entre l’UE et les pays tiers de manière à favoriser le développement durable pour les deux parties.
  • Améliorer l’évaluation de l’impact des accords commerciaux en tenant compte de la durabilité sociale, économique et environnementale, en particulier pour les petits agriculteurs et les organisations de producteurs, les PME et celles basées sur des modèles d’entreprise de l’ESS. Soutenir les pratiques agro-écologiques dans les systèmes alimentaires transnationaux de l’UE et liés à l’UE.
  • Améliorer la directive sur les pratiques commerciales déloyales dans le secteur agricole et alimentaire en clarifiant son champ d’application et en interdisant les achats en dessous du coût de production durable.
  • Faciliter l’accès au financement climatique pour les organisations de petits agriculteurs et augmenter le financement de ces organisations pour qu’elles développent des mesures d’adaptation au changement climatique.
  1. Pour l’entrepreneuriat social et collectif
  • Soutenir les processus de reprise et de transformation entrepreneuriale vers des figures de l’ESS.
  • Renforcer les processus de seconde et nouvelle articulation par les initiatives de l’ESS, en renforçant les formules stables de coopération entrepreneuriale existantes et en favorisant la création de nouvelles. En particulier, les formes « multiparticipatives » telles que les coopératives communautaires en Italie ou les sociétés coopératives d’intérêt collectif en France, qui devraient être étendues au niveau européen, et les coopératives d’initiative sociale à but non lucratif, qui sont la forme juridique soutenant les communautés énergétiques et les coopératives de logement dans l’État espagnol.
  • Développer des lignes pour la création et la consolidation des entreprises de l’ESS, en particulier dans les zones rurales : ressources du réseau, formation et conseil, stratégies de marketing.
  1. Pour une éducation au changement éco-social
  • Encourager le développement de programmes spécifiques promouvant la culture de l’ESS.
  • Fournir des lignes de soutien et de financement pour le développement de méthodologies d’apprentissage coopératif et d’économie sociale et solidaire dans les écoles à tous les niveaux au niveau européen, ainsi que des programmes d’échange pour les étudiants sur le mutualisme, l’associativisme, le coopérativisme et l’ESS.
  • Développer de nouvelles compétences non techniques et des formations de renforcement des capacités basées sur la création de communautés, l’animation de groupes, l’organisation autogérée et collective d’entreprises sociales et de coopératives d’étudiants au niveau européen.
  1. Pour une économie féministe et une organisation sociale des soins qui garantit les droits de toutes les personnes sur la base de la coresponsabilité
  • Assurer la mise en œuvre correcte de la stratégie européenne des soins basée sur trois axes fondamentaux : promouvoir le rôle des institutions publiques et de la communauté, y compris l’Économie Sociale et Solidaire (collectivisation), revaloriser et professionnaliser le travail de soins et évoluer vers un système de soins public-communautaire.
  • Reconnaissance de l’ESS comme agent prioritaire pour la gestion des services de responsabilité publique par l’articulation de mécanismes de consultation publique avec des clauses sociales effectives et des réserves de marché.
  • Renforcer, soutenir et favoriser la croissance des réseaux locaux, nationaux et internationaux de soins et d’entraide par la réorganisation des villes et la promotion des espaces publics.
  1. Pour la souveraineté alimentaire et agro-écologique
  • Promouvoir des formes citoyennes participatives de politiques alimentaires et communautaires locales pour soutenir l’agriculture, les marchés de producteurs et les formes coopératives de chaînes d’approvisionnement courtes et écologiques.
  • Soutenir toutes les pratiques de production collective et communautaire, telles que les jardins urbains ou les forêts alimentaires.
  • Encourager les formes de distribution alimentaire et l’accessibilité à une alimentation naturelle et de qualité.
  • Mettre en place un étiquetage clair et transparent des produits et l’indication obligatoire de l’utilisation de produits chimiques et de pesticides, d’OGM ou d’autres altérations et de leur origine.
  1. Pour une finance éthique au service de la paix et la promotion de l’Économie Sociale et Solidaire
  • Promouvoir une finance au service de la paix et non de ce que l’on appelle l’ » Armed Banking », en obligeant toutes les banques européennes à rendre publiques leurs transactions avec l’industrie de l’armement, permettant ainsi aux citoyens et aux institutions de contrôler l’utilisation de leur épargne.
  • Mettre en œuvre des mesures concrètes pour limiter les transactions financières liées au commerce des armes qui se cachent derrière l’anonymat des paradis fiscaux. Appliquer des critères contraignants pour le « net zéro » à travers un cadre réglementaire européen strict qui définit des règles claires et vérifiables pour ceux qui visent des émissions nettes zéro, en contrant le phénomène de greenwashing.
  • Développer entre les différents niveaux de l’administration et les entités de finance éthique, des instruments financiers orientés vers le tissu socio-entrepreneurial de l’ESS : garanties, fonds rotatifs, projets de microfinance citoyenne (match funding), microcrédits, etc.
  • Promouvoir des lignes de subventions pour couvrir les intérêts des prêts accordés aux entités de l’ESS afin de couvrir les besoins de liquidités dérivés du contexte actuel d’augmentation des coûts de production et de financement.

Réseau REAS des réseaux de l’économie alternative et solidaire Mai 2024

[1] REAS Red de Redes est un réseau confédéral composé de 15 réseaux territoriaux et de 5 réseaux sectoriels qui rassemblent plus de 1 000 entités et entreprises, auxquels participent plus de 50 000 personnes et qui gèrent plus de 1,1 milliard d’euros par an. Au cours de ses presque 30 ans d’existence, il est parvenu à articuler des secteurs clés tels que : la finance éthique, les énergies renouvelables, le commerce équitable, la récupération et la réutilisation des déchets, l’insertion professionnelle, la consommation d’aliments biologiques, l’assurance éthique, la communication transformative, l’habitat coopératif en cession d’usage, les supermarchés coopératifs et l’assistance aux personnes.

[2] https://www.europeforpeace.eu/en/european-elections-2024-a-chance-for-peace/

[3] https://www.cepes.es/files/docs/propuestas-de-cepes-ante-las-elecciones-europeas-2024.pdf

[4] RIPESS EUROPA es una red europea que promueve la economía social y solidaria en Europa e incluye más de 46 redes nacionales, sectoriales e intersectoriales en 21 países. Forma parte de la red intercontinental RIPESS y tiene como objetivo compartir prácticas, intercooperar y emprender acciones comunes que puedan promover y mejorar la visibilidad del movimiento de economía solidaria y contribuir a los marcos jurídicos y las políticas públicas. RIPESS EUROPA está trabajando para crear un nuevo imaginario colectivo dirigido a lograr una sociedad post-capitalista a través de economías transformadoras.

[5] Mesures proposées par RESCOOP, le réseau européen auquel participe Unión Renovables, un réseau partenaire de REAS Red de Redes.

[6] Mesures proposées par RREUSE, le réseau européen auquel participe l’AERESS, réseau partenaire de REAS Red de Redes.

[7] Mesures proposées par les organisations européennes de commerce équitable.