Que c’est-il passé ? La mutualité jusqu’ici perçue comme LE rempart essentiel pour la solidarité, l’accès de tous à la santé a pu être ciblée publiquement par une frange active, voir activiste, des médecins, des professionnels de santé comme LE principal danger pour la solidarité,


Que c’est-il passé ? La mutualité jusqu’ici perçue comme LE rempart essentiel pour la solidarité, l’accès de tous à la santé a pu être ciblée publiquement par une frange active, voir activiste, des médecins, des professionnels de santé comme LE principal danger pour la solidarité, pour le modèle sanitaire français, voir pour la Sécurité Sociale elle-même !

Y compris avec des manifestations de rue contre elle. Et ceci sans que la mutualité puisse retourner l’opinion publique en sa faveur lors de l’examen d’une proposition parlementaire pourtant très simple, favorable aux assurés sociaux comme aux professionnels de santé : donner une base légale à ce que la mutualité pratique dans les faits depuis longtemps, à ce que tous les autres opérateurs ont déjà le droit légal de faire pour des conventionnements complémentaires à la sécurité sociale en terme d’accès facilité, de tarifs et de qualité. Enjeux décisifs dans une période ou la pauvreté tape si fort. Qu’elle détermine et multiplie toutes les formes de non accès aux soins les plus élémentaires !

Les mutualistes ne se sont pas mobilisés en tant que mouvement social. Les autres partenaires de l’économie sociale et solidaire, secteur pourtant actuellement valorisé, au moins par des campagnes de promotion officielles, n’ont pas même moufeter. L’inter coopération entre les différentes familles, mutualistes, coopératives et associatives est toujours aussi nulle, même en matière défensive. L’attaque vis-à-vis d’une forme n’est pas perçue par les autres formes comme une attaque du secteur tout entier !

Mais c’est tout le mouvement social qui est resté sans voix. Pire des voix émanant du « camp progressiste », de la gauche politique aussi, développent depuis un certain temps « l’idée » que la mutualité serait désormais, à son corps plus ou moins défendant, le cheval de Troie de la privatisation de la Sécurité Sociale. Ces voix ont trouvé les plus ultra libéraux des professionnels de santé pour faire chorus ! Du coup le Parlement transige, fait dans la demie mesure, recul même par rapport à des marqueurs du « changement » sanitaire et social.

Il faut situer cela dans une analyse globale de la situation actuelle. L’élection de F. Hollande à la présidence de la République n’a pas, en soi, modifié la situation pour le moins délicate, depuis longtemps, du mouvement social français. Un mouvement très fragmenté, sur la défensive, profondément déstructuré par sa mise en concurrence directe, sous impulsions publiques nationales et européennes, avec des opérateurs marchands jusqu’en ses fonctions propres. Mêmes les organisations qui n’avaient « pas d’illusions » s’attendaient à trouver dans le nouveau pouvoir non pas les solutions toutes faites mais un point d’appui assez net, tout au moins un répit et des accroches pour pouvoir se recomposer. Mais cette conjoncture si traditionnelle à l’arrivée de la gauche aux pouvoirs, n’a pas lieu. On sous estime encore le phénomène de déstabilisation qui s’en suit pour des acteurs sociaux déjà si fragilisés.

Réciproquement pourtant la faiblesse du mouvement social organisé n’ait pas pour rien dans les positions gouvernementales actuelles. C’est un peu la poule et l’œuf mais sans poule et sans l’œuf. Le mouvement syndical, en des bras de fer pourtant autrement médiatisés, n’a pas réussi lui aussi, pas même essayé, de mobiliser nationalement.

Tant au niveau politique qu’au niveau social il n’y aucun déterminisme qui ferait qu’en réponse à une mobilisation organisée des secteurs les plus libéraux et conservateurs, qu’en absence d’aide explicite de l’Etat le mouvement social se remobilise. Que les idées « plus à gauche » progressent. En fait les déstabilisations issues de la longue durée peuvent tout à fait s’aggraver. Le « camp conservateur » est bien plus organisé dans la société civile que le « camp progressiste » ne le pense traditionnellement. Ceci y compris avec des structures propres et pas seulement des lobbys plus ou moins secrets. Et, le champ de la santé en témoigne, avec aussi des syndicats, des collectifs pouvant fonctionner en réseaux, pouvant peser à des moments choisis. Cette « modernité » organisationnelle n’est pas l’apanage, il s’en faut, des collectifs citoyens. La forme parti politique peut être très à la peine sans pour autant empêcher la société civile de continuer à vivre pleinement, profondément, avec ses propres rapports de force. La formidable crise des partis politiques, sur tout l’échiquier, conduits à un regard plus cru, plus vrai sur l’état réel de la société française. Seuls ceux qui ont une vision principalement politique (je ne dis pas même politicienne) de la vie en société sont surpris que cette crise ne débouche pas sur un renforcement des partis politiques aux extrêmes. Ce sont les formes conservatrices organisées de la société civile, très représentative des milieux les plus riches qui marquent le plus de points.

Donc la mutualité qui pensait peut être avoir fait le plus dur grâce à la présence, et le soutien affiché, de deux ministres et du Président à son Congrès national a l’ardente nécessité de compter d’abord sur elle-même, sur son travail d’alliance, sur son rapport à l’opinion publique c’est-à-dire déjà d’ailleurs à ses propres adhérents Or ce rapport c’est considérablement détérioré sur la longue durée. Le très très discutable, et illisible, accord contre ou pour (on ne sait pas) les dépassements de tarifs dans le domaine de la santé n’en est pas l’explication essentielle

La décision de la Mutualité Française – plus ou moins contrainte il est vrai – mais sa décision, dès le début des années 90, sous gouvernement de gauche, d’entrer dans les directives assurances européennes, d’être traitée comme un assureur, d’être soumise à la concurrence assurantielle, de ce comporter de plus en plus en assureur de moins en moins « militant », pèse et pèsera longtemps très lourd. Et puis l’affaire de la MNEF, le « dossier » récurant des mutuelles étudiantes, des frais de gestion, des publicités, les réserves financières qu’il faut sur accumuler pour être assureur alors qu’on ne gère presque exclusivement qu’un risque, la maladie, aux engagements courts. La confusion aussi avec les mutuelles de biens et leurs puissances financières, les taxations financières publiques à répétition, la flambée des cotisations et leurs inégalités, tout concoure à nourrir cette idée bien implantée désormais d’une richesse, d’une opulence des mutuelles…au moment de l’appauvrissement des populations !

Même le peu d’empressement à se revendiquer comme étant le porteurs de la CMU a permis à l’État de se retirer totalement (50% au démarrage en 2000) de son financement sans pour autant que l’opinion publique voit dans la Mutualité l’acteur qui à obtenu le principal acquis social, universel, de ces trois dernières décennies ! Je suis bien placé pour savoir qu’on porte plus facilement aux nues « l’inventeur » du très discutable et pauvre RSA que « l’inventeur » de la CMU ! L’absence du mutualisme à la conférence nationale de ces jours ci contre la pauvreté en dit long, comme elle en dit long sur le cloisonnement généralisé des acteurs.

La question d’une offensive populaire du « plus grand mouvement social français », en débats, il en faudra tant le flou des progressistes est immense à ce sujet, avec tout le mouvement social organisé, avec les progressistes, semble plus que jamais nécessaire. Et déjà avec l’économie sociale et solidaire car sinon quelle sera la réalité populaire et le poids politique de ce secteur  ?

Certes il faut démontrer que la mutualité est un atout pour une meilleure efficience générale du système de santé. Mais si cette démonstration apparaît sous des dehors techniques, gestionnaires, technocratiques, sous le seul mot d’ordre de « régulation » du système, il est fort à parier que la mutualité ne sera pas audible (ou trop mais dans un sens technocratique mettant y compris en cause des libertés essentielles). D’autres acteurs privés, non lucratifs, à « lucrativité limitée ! », lucratifs, et mêmes publics (les tenant du fameux panier de biens et de services remboursables) développeront la concurrence en prônant les mêmes finalités. En faisant valoir qu’ils sont plus économes, avec un « impact social » et même environnemental eux aussi ! Or c’est bien de cette mise en concurrence de tous contre tous qui aggrave toutes les inégalités qu’il faut sortir. Certes en compétition sur le marché, puisqu’on s’y est mis, mais sur un marché dont il faut desserrer l’étau. Ceci en organisant, et dopant par cet apport, une alliance large, afin de « spécialiser » aux niveaux national et européen la santé et les autres biens communs. Nul ne peut attendre seulement des pouvoirs publics ce qu’ils ne veulent et/ou peuvent pas donner. Sauf à risquer que l’État se détourne de solutions solidaires, démocratiquement définies et gérées, qui seraient vues comme un peu…romantiques ?