Article de Ripess Europe

Atelier 1 : L’action politique par l’économie alternative et solidaire
Organisé par : RIPESS Europe, MES – Mouvement pour l’Economie Solidaire, l’Espace de travail Alternatives concrètes d’ATTAC France

Présentations de Bruno Lasnier et Josette Combes, MES France

Quelques éléments de définitions pour comprendre les différences entre Transformation, Transition et Bifurcation
Bruno Lasnier

L’idée d’une transformation de la société par l’action des citoyens a surgit des mouvements de la contre culture des années 60-70 autour de l’émergence de  mouvements :

Altermondialisme et économie solidaire :

  • Le mouvement altermondialiste, est un mouvement social promouvant l’idée qu’une autre organisation du monde est possible, dont le terme né en 1999 introduit la volonté des citoyens de défendre une forme de mondialisation qui serait différente de la mondialisation actuelle. avec le slogan un autre monde est possible, emprunté au Monde diplomatique et repris par Attac puis par le Forum social mondial de Porto Alegre en 2001.
  • Le mouvement de l’économie solidaire proposant de construire des alternatives citoyennes pour transformer l’économie au service d’une société plus juste, l’économie solidaire peut être définie comme « l’ensemble des activités de production, d’échange, d’épargne et de consommation contribuant à la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens ». Ce Mouvement s’appuie sur les valeurs de solidarité, de réciprocité, d’autonomie, de partage, d’égalité et d’équité pour promouvoir l’économie solidaire comme un levier pour une transformation sociale au service d’un projet de société plus solidaire et une alternative à l’économie libérale.

Dans l’ESS deux manières de concevoir la transformation cohabite depuis toujours :

  • une conception d’économie réparatrice des effets négatif du capitalisme : cette vision politique ne cherche pas a sortir du modèle économique dominant mais vise à en réparer les effets négatifs par la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, la limitation de la lucrativité etc. Des concept comme le social business ou l’entreprenariat social se retrouve dans cette conception d’un capitalisme responsable défendu par exemple par Jean Marc Borello dans son livre : Pour un capitalisme d’intérêt général dans lequel il propose de faire de l’ESS l’incarnation d’un capitalisme au service de l’intérêt général.
  • une conception transformative qui propose de sortir d’une économie capitalisme par le réencastrement des dimensions de marché, de redistribution et de solidarité dans une économie hybride, comme l’exprimait déjà l’Appel en faveur de l’ouverture d’un espace pour l’économie solidaire, paru dans le journal Le Monde daté du 18 juin 1997 : «  les initiatives de l’économie solidaire tentent de répondre aux défis qui se posent à notre société aujourd’hui. Ces expériences suggèrent une approche plurielle de l’économie, le marché n’étant pas la seule source de production de richesses, et favorisent les hybridations entre ressources marchandes, non marchandes et non monétaires. Au niveau social, elles permettent la production de solidarités de proximité, volontaires et choisies. Et au plan politique, elles concourent à rendre la démocratie plus vivante et interactive en recherchant l’expression et la participation de chacun quel que soit son statut (salarié, bénévole, usager, etc.). En somme l’économie solidaire ne saurait se confondre avec d’autres formes d’économie dans une espèce de secteur fourre-tout qui légitimerait l’éclatement de la condition salariale. Elle ne saurait en aucun cas constituer une « économie-balai » qui ramasserait les laissés-pour-compte de la compétitivité. Au contraire, les expériences qui se situent dans la perspective d’économie solidaire prouvent tous les jours qu’il est possible de fonder l’initiative sur des actions de solidarité.

Du Mouvement de la transition écologique à la bifurcation :

Avec la prise de conscience de l’impact de la société humaine sur notre environnement, le terme “transition” apparaît également dans les années 70 notamment avec le rapport Meadows en 1972 qui insiste sur la nécessité de la “transition d’un modèle de croissance à un équilibre global” en mettant en avant les risques écologiques induits par la croissance économique et démographique. En 1987, le rapport Brundtland (Boissonade, 2017) recommande “la transition vers un développement durable”. Au cours de ces vingt dernières années le concept de transition écologique et solidaire a émergé amenant une pluralité d’acteurs, chercheurs, institutions, entreprises, initiatives citoyennes, mouvements sociaux, à revendiquer ce concept comme forme d’action pour accompagner la société vers un modèle plus durable. Qu’elle soit écologique, énergétique, sociale, solidaire, économique, démocratique, numérique, la transition désigne «  un processus de transformation au cours duquel un système passe d’un régime d’équilibre à un autre». Il ne s’agit ni d’une révolution, ni d’un ajustement, mais d’une reconfiguration fondamentale du fonctionnement et de l’organisation de la société qui touche simultanément l’ensemble des domaines du système : politique, économique, écologique, socioculturel, scientifique, technologique et institutionnel. Les évolutions de chacun des domaines se renforcent mutuellement pour transiter vers un nouveau modèle. La transition se caractérise donc par une mutation à la fois progressive et profonde des modèles de société sur le long terme. C’est un processus qui s’inscrit dans un système complexe qui le rend difficile à appréhender.

Enfin plus récemment apparaît le terme de bifurcation : Une bifurcation est un changement de direction choisi, radical et systémique. Dans la trajectoire (d’une personne, d’un territoire, d’une société, de l’humanité…), la bifurcation s’oppose aux changements progressifs ou graduels (par degrés successifs). Il y a donc contrairement à la transition le choix d’une rupture avec le système, pour un changement radical.

Bourg D. & Papaux A. (dir.), 2015, Article « Transition » dans Dictionnaire de la pensée écologique, Paris, PUF,

En quoi les alternatives sont-elles politiques ?
Josette Combes

« Ce qui importe pour un citoyen, c’est son comportement dans la cité, pas ses préférences métaphysiques. » Confucius

En introduction à l’atelier, il est important de poser clairement la différence entre les deux termes le Politique et la politique. Dans le tableau ci-dessous on indique ce qui relève du politique, c’est à dire de l’organisation de la cité. La politique  consiste essentiellement à mettre en œuvre des stratégies pour réguler le politique en investissant les lieux institués qui permettent de jouer un rôle dans les dimensions concernées.  On a choisi d’examiner les trois dimensions essentielles du politique : l’économie, le social et le spirituel, proposant en quoi la politique agit et notamment ce que l’économie solidaire met en jeu.

La politique consiste à intervenir dans les lieux de pouvoir et pour l’ESS à promouvoir la coopération entre humains, la limitation des prédations sur les ressources et la reconquête des communs

Le politique La Politique
Économie (maintien de la vie )

  • produire quoi, comment, où
  • consommer quoi, comment quand et où
  • financer quoi, comment, pour quoi faire
Ce qu’il s’agit de faire

  • autogestion, sociétariat, vigilance écologique
  • relocalisation, sobriété, commons
  • répartir la richesse et contribution impôt

Social (interactions entre les humains, les autres espèces et les ressources naturelles)

  • relations femmes / hommes / enfants
  • liberté de se déplacer, de s’exprimer
  • lieux d’échanges, agoras, assemblées

Les régulations essentielles

  • anti discriminations (toutes)
  • assemblées délibératives, médias libres
  • espaces communs coconstruction des politiques publiques

Spirituel

  • art
  • éducation
  • activités physiques

Favoriser la recherche personnelle

  • accès aux expressions artistiques
  • éducation à la coopération
  • respect du corps et absence de combat

Ces dimensions sont en général intriquées et pour faire bouger les lignes des politiques ultra libérales on peut envisager trois scenarii  Transformation, Transition et Bifurcation.