Jason Nardi – Délégué Général Ripess Europe

L’été le plus chaud jamais enregistré, avec la crise climatique et écologique qui s’approfondit et s’étend… des troubles politiques dans de nombreux pays du monde… des guerres génocidaires en cours avec des dirigeants criminels qui dictent leur ordre du jour sans contestation… un système économique et financier brisé qui extrait et détruit rapidement non seulement nos systèmes de vie écologiques, mais aussi les droits sociaux et humains qui ont été lentement, mais avec ténacité et collectivement conquis.
La polycrise mondiale que nous vivons semble si écrasante que, quels que soient les nouveaux résultats positifs ou les progrès que nous réalisons dans nos pratiques, ils semblent trop petits et insignifiants face à ces immenses défis.

Comme le dit Kali Akuno de Cooperation Jackson Mississippi (lire l’interview par DOCK SSE ici), “Soyons honnêtes, la plupart des opérations d’économie solidaire dans le monde servent actuellement soit d’institutions de secours, soit d’opérations économiques de niche. C’est parce qu’elles sont très limitées par la dynamique du capitalisme. L’accès au capital, en tant que moyen de sécuriser les matériaux dans le cadre des relations sociales capitalistes, n’est pas le moindre. Et aussi l’accès aux ressources matérielles qui ne nécessitent pas d’achat, ce qui, une fois de plus, ne fait que soutenir les relations marchandes. Les dimensions profondément démocratiques et d’auto-organisation de l’économie solidaire peuvent être profondément transformatrices et nous aider à créer une société de producteurs associés, ce dont nous ne doutons guère de notre point de vue. Mais le mouvement de l’économie solidaire doit devenir davantage un mouvement politique pour atteindre ses objectifs”.

Le défi est maintenant de savoir comment être à la fois une forme d’auto-organisation profondément démocratique de pratiques “économiques” plurielles et interconnectées et un mouvement populaire, reconnu à tous les niveaux et capable d’avoir un programme de transformation et des objectifs communs clairs. Nous devons construire le pouvoir diffus de la solidarité.

Il y a eu des avancées significatives dans les deux directions : la résolution 2023 des Nations Unies sur l’ESS (résultant d’années d’interaction avec plusieurs organes des Nations Unies et la création d’un Task Force inter-agences des Nations Unies sur l’ESS), le plan d’action de la Commission européenne sur l’ESS progresse, la loi européenne sur la Restauration de la Nature a finalement été approuvée, de nouveaux cadres juridiques et politiques sont réclamés ou construits dans plusieurs pays, malgré la forte vague de reflux néolibéral que la plupart du monde traverse aujourd’hui.

Pourtant, la révolution doit d’abord venir de l’intérieur. Le RIPESS Europe, en tant que réseau de réseaux, a revu sa structure interne (vers une gouvernance plus partagée et une pratique sociocratique) et sa culture organisationnelle, en développant nos communs de connaissances, nos espaces d’intercoopération, notre construction de mouvements à travers des convergences et en réélaborant nos fondations ESS, afin d’être en mesure d’avoir des racines plus fortes et d’étendre le mycélium, en partageant des compétences, en formant nos aptitudes, en échangeant des méthodologies et en développant davantage nos plateformes technologiques collectives… vous pouvez lire tout cela dans le rapport de notre dernière Assemblée Générale à Genève.

Les publications “Soft Skills for a Better World” et “Training for Activists”, résultat d’un projet Erasmus+ en Europe centrale et orientale intitulé à juste titre “Périodes Difficiles, Compétences interpersonelles“, sont un exemple de la manière dont nos membres travaillent dans cette direction. Un autre exemple est la mise en réseau en vue de l’Année internationale des coopératives 2025 en Turquie, qui rassemble les coopératives de la nouvelle génération dans un processus de trois ans. Un autre projet E+ vient de démarrer avec une réunion à Florence, en Italie : Looking Up – comment renforcer la construction de la communauté, la formation et le plaidoyer sur le développement participatif…

Enfin, vous trouverez dans cette lettre d’information de nombreux autres exemples pratiques et inspirants d’ESS transformatrice – et si vous ne voulez pas lire, vous pouvez regarder deux films récemment publiés par Local Futures, mettant en scène certains des membres du RIPESS dans le monde entier : “The Power of the Local” et “Close to Home”.
Retrouver nos capacités de coopération, nos relations mutualistes et nos capacités créatives n’est plus une option alternative : c’est une nécessité et un droit universel si nous voulons avoir un avenir sur cette planète.