Article de Meghan Bodette dans Medium du 16 août 2020, publié par l’Association de l’économie solidaire

Extraits de l’article :

Alors que l’applicabilité des principes féministes du mouvement kurde aux communautés non-kurdes en Syrie a été débattue par les analystes et les observateurs, peu de tentatives sérieuses ont été faites pour comprendre comment les femmes de ces communautés voient ces principes en pratique.

Le cas de Manbij, libérée de l’ISIS par les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) en août 2016, montre comment les femmes d’une ville multiethnique syrienne ont utilisé les cadres de l’AANES [Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie] pour construire des institutions, assumer des rôles de direction et s’organiser dans leurs communautés pour changer les attitudes discriminatoires.

Le succès des structures politiques et militaires des femmes à Manbij au fil du temps suggère que le système AANES peut être un véritable modèle pour l’autonomisation des femmes à travers la Syrie.

Institutions militaires

En 2016, les femmes du nord et de l’est de la Syrie se battent sur le front depuis plusieurs années. Des images de civiles embrassant des combattantes de la YPJ ont été partagées dans la couverture médiatique internationale de la libération de Manbij, devenant ainsi le symbole du combat plus large contre l’ISIS.

A la fin de l’opération, les femmes locales avaient déjà commencé à rejoindre le Conseil militaire de Manbij (MMC), qui a été mis en place en avril 2016 avant que les FDS ne prennent la ville. En février 2017, une première académie militaire féminine a été créée dans la région.

Institutions politiques et société civile

Le rôle des femmes dans les institutions civiles au sein de l’AANES n’est pas moins important. Ces institutions ont été largement responsables des efforts quotidiens visant à changer les attitudes sociales discriminatoires et à renforcer le pouvoir des femmes syriennes au sein de leurs communautés.

Manbij a été l’un des premiers endroits où les structures politiques et les politiques sociales de l’AANES ont été mises en œuvre dans une région sans majorité démographique kurde. Yekitiya Star, la confédération des organisations de femmes du nord et de l’est de la Syrie, a été active à Manbij dès 2013, y établissant un centre de connaissance et d’éducation des femmes en mars de cette année-là.

Depuis sa libération de l’ISIS, les femmes de tous les différents groupes ethniques et religieux de la région ont participé activement aux institutions politiques et aux organisations de la société civile féminines.

Les femmes dans l’administration civile démocratique

En 2017, lorsque l’Administration civile démocratique de Manbij a été officiellement créée, elle a été mise en place avec un système de coprésidence et le quota de 40 % de représentation féminine qui est obligatoire dans le nord et l’est de la Syrie.

Maisons des femmes

La première institution pour femmes établie dans la Manbij libérée était une mala jin, ou maison des femmes, qui a été ouverte dans la ville en novembre 2016.

Les maisons des femmes sont des institutions uniques dans le nord et l’est de la Syrie qui protègent les victimes des violences sexistes, résolvent les conflits domestiques et interviennent pour empêcher que les femmes ne soient exploitées et opprimées. … Plusieurs autres ont suivi….

Au total, en 2019, les maisons des femmes de Manbij avaient pris en charge plus de 3 000 cas. Moins de 10 % de ces cas avaient été renvoyés au système juridique officiel, tandis que la majorité d’entre eux avaient été soit résolus par les maisons, soit renvoyés aux comités de justice sociale et de réconciliation pour résolution.

Un aspect notable du travail des maisons des femmes de Manbij est leur rôle dans l’aide aux femmes qui ont souffert de violences sexistes et d’autres formes d’oppression dans le cadre de l’ISIS. Parmi les premiers travaux réalisés par la première maison de femmes de la région, on peut citer la formation d’un comité de recherche qui a recueilli les témoignages de femmes victimes du groupe terroriste.

Assemblées des femmes

Sous l’administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, les assemblées de femmes sont censées exister parallèlement aux institutions mixtes à tous les niveaux de gouvernance. Cette politique renforce l’influence des femmes au sein du gouvernement, en plus des systèmes de quotas et de coprésidence qui assurent leur représentation dans les institutions mixtes.

L’Assemblée des femmes de Manbij a été créée en mars 2017. L’Assemblée a coordonné avec les femmes locales la création de petites assemblées de femmes et de communes dans les villages et les villes de la région. En mai 2019, elles avaient contribué à la création de 43 de ces assemblées.

L’autonomisation économique des femmes

En juin 2017, des femmes de Manbij ont participé à la première conférence sur l’économie des femmes dans le nord et l’est de la Syrie,

De nombreuses coopératives de femmes existent à Manbij, offrant aux femmes des emplois de qualité et s’efforçant de répondre aux besoins économiques locaux.

Les lois sur les femmes à Manbij

En raison des attitudes conservatrices de certains segments de la population, les lois pour les femmes de l’AANES, adoptées dans les cantons de Kobane, Jazira et Afrin en 2014, n’y sont pas appliquées dans leur intégralité.

Les membres des organisations de femmes de Manbij rencontrent aussi directement les femmes dans leurs foyers et leurs villages afin de leur faire prendre conscience de leurs droits et de les éduquer sur les problèmes sociaux. En octobre 2018, l’Assemblée des femmes de Manbij a affirmé avoir rencontré plus de 3 000 femmes pour discuter de ces questions.

Jineoloji à Manbij

Un centre de recherche jineoloji a été ouvert à Manbij le 2 janvier 2018. Jineoloji est la « science des femmes » du mouvement des femmes kurdes, un sujet controversé parmi certaines populations conservatrices du nord et de l’est de la Syrie.

Lisez l’article complet (en anglais) ici.